Bruxelles : les espoirs du secteur malgré les incertitudes

Article dans la revue Éducation Santé

La revue Éducation Santé nous a ouvert ses colonnes pour faire un bilan de la législature précédente et réaffirmer les recommandations que nous portons pour défendre le secteur de la promotion de la santé à l’attention du futur gouvernement qui tarde à se former.

 

À Bruxelles, plus de huit mois après les élections régionales, la Fédération bruxelloise de promotion de la santé (FBPS) retrace les moments-clés de la législature écoulée et, dans l’attente de la formation d’un nouveau gouvernement régional, souhaite souligner les éléments essentiels pour renforcer le secteur de la promotion de la santé dans les années à venir.

 

Huit mois après les élections du 9 juin 2024, la Région bruxelloise tarde encore à former son gouvernement et collèges et à établir les coalitions pour les cinq prochaines années. Dans ce contexte incertain, le secteur de la promotion de la santé a choisi de se mobiliser pour faire entendre ses recommandations, basées sur le bilan de la législature écoulée, marquée par une succession de crises, l’amorce d’une transformation du système social-santé à Bruxelles et l’adoption du nouveau plan de promotion de la santé pour 2023-2027. 

 

Une législature marquée par les crises 

 

Cette législature a été profondément affectée par une série de crises successives : la crise sanitaire de la Covid-19, la crise énergétique et l’inflation, l’épuisement de la première ligne de l’aide et du soin, pour n’en citer que quelques-unes. 

Ces crises ont eu, et continuent d’avoir, un impact durable tant sur les travailleur·euses que sur les pratiques professionnelles, affectant les comportements et la manière de concevoir les actions dans tous les secteurs, et plus particulièrement dans le secteur non-marchand. En effet, une crise — entendue comme une situation imprévisible menaçant un système établi — exige, face à des menaces souvent inconnues, non seulement une réaction rapide mais aussi et surtout des stratégies à long terme fondées pour rendre nos systèmes plus robustes. 

A l’instar de nombreux autres secteurs, celui de la promotion de la santé n’a pas échappé à cette spirale et a dû faire face à l’urgence et aux menaces pesant sur la population et sur lui-même. 

 

Prenons l’exemple marquant de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Même si les autorités publiques ne se sont pas spontanément tournées vers les principes et les professionnel·les de la promotion de la santé pour faire face à la situation, il est évident, aujourd’hui, que le secteur de la promotion de la santé a joué un rôle en influençant les stratégies sanitaires mises en place. Les premières mesures gouvernementales prises pour limiter la propagation du virus ont révélé des inégalités sociales de santé profondes, avec des impacts différenciés selon les populations concernées. L’épidémie et sa gestion ont affecté tous les aspects de la vie quotidienne, mettant en lumière l’importance de concevoir la santé de manière transversale et durable, en tenant compte de tous ses déterminants. 

 

Le secteur a ainsi plaidé pour l’intégration de méthodologies à la fois plus globales et adaptées, telles que l’attention aux publics fragilisés, les approches communautaires et participatives, le développement des compétences psychosociales, l’approche de réduction des risques, ainsi que la concertation avec d’autres secteurs (emploi, logement, social, soins, éducation…). Ces approches font partie des expertises que les professionnel·les du secteur développent depuis de nombreuses années et qui ont pu être mises à profit. 

 

Avec le recul, on peut constater que l’approche adoptée par les pouvoirs publics s’est appuyée sur une vision biomédicale et centrée sur les comportements individuels (gestes barrières, mesures de protection, etc.). Cependant, certaines recommandations du secteur ont été prises en compte et ont pu faire évoluer quelque peu cette approche. Le secteur a pu également répondre concrètement aux besoins des populations fragilisées par la crise en adaptant les messages de santé publique à leur situation, en leur offrant un soutien social et  psychologique, en facilitant l’accès aux soins, en proposant des solutions innovantes comme des auto-tests VIH ou des maraudes à vélo pendant le confinement. 

 

Une des réalisations notables de cette période a été la mise en place d’instances de réflexion, de coordination et d’actions telles que les stratégies concertées Covid, réunissant acteur·trices, cabinets et administrations, pour échanger sur les stratégies d’action à adopter en situation de crise. Ce dispositif a permis de faire reconnaitre la promotion de la santé comme approche sanitaire probante dans ce contexte et au-delà. 

Une autre réalisation marquante est le renforcement de la démarche communautaire en santé. La mobilisation du secteur ainsi que le financement – par Barbara Trachte, Ministre en charge de la promotion de la santé d’alors – d’une concertation des acteur·trices de démarches communautaires sur deux années ont permis de faire entendre et reconnaître les principes, les valeurs et les méthodologies qui guident cette stratégie d’action. Après un long travail de plaidoyer, nous pouvons constater une place accrue laissée aux actions communautaires dans les différents plans bruxellois ainsi que la mise en place d’un service de support dédié à l’accompagnement, la formation et la récolte de données autour des démarches communautaires en santé.  

 

Malgré ces avancées, il reste un regret : l’absence d’une évaluation approfondie des stratégies et politiques publiques mises en œuvre pendant cette période. Une analyse détaillée de l’impact de ces mesures sur les populations bruxelloises, les usager·ères, les services et les autorités est indispensable. Il est peut-être encore temps de tirer les leçons de cette crise et d’enrichir les pratiques futures et les politiques de santé publique. 

 

L’avènement du Plan Social-Santé Intégré (PSSI) 

 

Un élément majeur de cette législature a été l’adoption du Plan Social-Santé Intégré (PSSI), issu d’un travail de concertation entre les politiques, les acteur·trices de terrain et les administrations. L’objectif du PSSI était d’adopter une approche plus intégrée de la santé et du social à Bruxelles, afin d’améliorer la cohérence et la lisibilité des dispositifs d’aide et de soins, tout en ancrant davantage l’offre au sein des territoires. On notera ici l’avènement du découpage territorial par bassins (au nombre de cinq) et le renforcement d’une approche dite « par quartier ».  

 

Sans revenir sur les détails historiques du processus (détaillés dans un article précédent d’Education Santé), il convient de souligner les étapes-clés de la construction du PSSI, de ses premières discussions à sa mise en œuvre en 2024. 

Lors de l’annonce du plan, le gouvernement bruxellois a mis en avant la volonté de renforcer l’intégration des services sociaux et de santé. La FBPS a salué cette initiative, en soulignant l’importance de l’inclure dans une approche globale de promotion de la santé.  

 

Le secteur a d’ailleurs œuvré pour que la promotion de la santé soit pleinement intégrée dans les groupes de travail thématiques liés à ce plan. Aujourd’hui, bien que le secteur s’accorde sur les objectifs poursuivis par ce plan, il reste encore largement au stade d’intentions. Le plan opérationnel présente environ 200 actions à mettre en œuvre, mais beaucoup de ces actions sont suspendues en raison de l’absence de budget, de temporalité ou de priorisation. 

 

En outre, bien que le secteur de la promotion de la santé soit intégré au PSSI, il doit faire face à des besoins qui ne sont pas accompagnés des ressources nécessaires. L’intersectorialité prônée par le PSSI, bien qu’indispensable, nécessite des ressources humaines et administratives importantes, qui sont souvent détournées des projets pour lesquels les acteur·trices sont véritablement financés. 

 

Le secteur de la promotion de la santé attend donc des moyens supplémentaires pour pouvoir assumer pleinement ses responsabilités dans ce travail intersectoriel, réaliser les projets pour lesquels les acteur·trices sont financé·es et assurer un véritable rayonnement de la promotion de la santé au sein des autres secteurs d’activité. Tout cela contribuera à une diminution de la pression et des coûts liés aux soins de santé.  

La mise en œuvre du PSSI reste donc un enjeu majeur pour la prochaine législature : comment garantir que ces actions seront réellement financées et mises en œuvre efficacement ? Comment faire de ce plan un réel levier de transformation en faveur de la santé et de l’équité ? Comment donner une place aux démarches de promotion de la santé, à la participation citoyenne et au secteur qui les défend ?  

 

Le plan quinquennal pour la promotion de la santé (2023-2027) 

 

Le plan de promotion de la santé 2023-2027, adopté en mars 2023 faisant désormais partie intégrante du PSSI, réunit 35 opérateurs désignés, quatre réseaux ainsi que neuf services de support et un service d’accompagnement (retrouvez notre article surle plan opérationnel). 

 

Le plan bénéficie d’un budget d’environ 6 millions d’euros, soit une augmentation de 10% par rapport au précédent plan. Cependant, il convient de nuancer cette hausse, car elle provient principalement de la redistribution de subsides existant au sein du plan (précédemment sous la forme de subsides dits « initiatives »), et non d’une véritable augmentation des moyens. Il s’agit ici davantage d’une translation que d’une augmentation.  

 

La construction du Plan de promotion de la santé a grandement évolué par rapport à sa première mouture en 2016. En effet, le nouveau Plan s’articule désormais autour de cinq axes issus de la Charte d’Ottawa (1986). Chacun de ses axes se décline en objectifs spécifiques qui, eux-mêmes, se déclinent en objectifs opérationnels qui sont tous définis à partir des priorités déterminées par les autorités publiques.

 

Le secteur souhaite saluer le travail fourni par l’administration pour la rédaction de ce plan quinquennal. Nous souhaitons mettre en avant l’évolution de l’approche dans la construction du plan notamment sur les portes d’entrées de ce plan qui sont davantage transversales que thématiques. Ce changement fait, entre autres choses, à la suite des recommandations formulées par le secteur. Par ailleurs, il reste que ce plan est largement sous-financé au regard des ambitions qu’il porte, en particulier sur certains axes de celui-ci. Un refinancement du secteur à hauteur des besoins de la population est essentiel. 

 

Et pour la suite ? 

 

Le prochain cabinet gagnerait à reconnaître et intégrer davantage les principes, méthodologies et stratégies de la promotion de la santé pour améliorer le bien-être des Bruxellois et réduire les inégalités sociales de santé.  

 

De nombreux secteurs, scientifiques et politiques, reconnaissent déjà l’importance d’investir dans la promotion de la santé et la prévention pour désengorger le système de soins, à l’image de la Wallonie qui a fait ce choix stratégique pour « anticiper les coûts liés aux soins de santé ».

 

La Fédération bruxelloise de promotion de la santé a eu l’opportunité de discuter avec divers partis des recommandations qu’elle souhaite voir mises en œuvre pour la future législature. 

 

Parmi celles-ci, plusieurs trouvent déjà un écho favorable auprès des élu·es, notamment : 

  • augmenter les budgets du secteur et de la promotion de la santé pour alléger la pression sur les soins ; 
  • pluriannualiser les subsides facultatifs pour pérenniser les projets ; 
  • sortir de la logique d’appel à projets pour assurer des financements structurels aux organismes et affirmer par là leur rôle structurel dans la promotion de la santé des populations ; 
  • réduire la charge administrative des ASBL en simplifiant les obligations et en facilitant la prise en main des outils numériques ; 
  • clarifier et financer les actions prioritaires du PSSI ; 
  • maintenir et financer les accords du non-marchand qui permettent d’améliorer les conditions de travail des travailleur·euses du non-marchand et de renforcer l’attractivité du secteur. 

Enfin, une recommandation importante concerne la reconnaissance officielle de la Fédération bruxelloise de promotion de la santé. En effet, au cours des dernières années, la fédération a évolué dans ses missions et ses activités, notamment avec l’instauration du nouveau plan quinquennal et l’arrivée de nouveaux membres. 

Cependant, les missions de représentation, de plaidoyer et de défense sectorielle ne sont toujours pas reconnues par les autorités publiques, bien qu’elles soient essentielles tant pour le secteur que pour l’autorité publique. Il convient de souligner que ces missions sont d’ores et déjà reconnues pour les fédérations des autres secteurs du non-marchand. 

 

Quelques ressources pour aller plus loin :

 

  • Actes du colloque « La promotion de la santé dans un contexte de politique social-santé intégrée : Pourquoi ? Comment ? » 2 octobre 2023 – Synthèse et Recommandations 
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